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L’invention de l’imprimerie, et sa difficile réception dans le monde musulman

impLe 3 février 1468 meurt à Mayence un certain Johannes Gensfleisch, plus connu sous le nom de Gutenberg. Il est né à Mayence entre 1397 et 1400. On lui doit l’invention de l’imprimerie. Elle a révolutionné la manière de fabriquer des livres et, en abaissant considérablement leur prix, mis la lecture à la portée de tous. Avec Gutenberg, les hommes ont aussi découvert l’utilité de mécaniser le travail manuel.

 

Copistes et miniaturistes

Au début du Moyen Âge, les livres étaient fabriqués en Europe, un à un dans des monastères spécialisés. À partir des années 1200, les monastères abandonnent cette activité à des ateliers laïcs installés près des universités.

Des copistes recopient les textes à la plume d’oie sur des feuilles de parchemin ou de papier, à partir d’un original, cependant que des enlumineurs agrémentent les pages de délicates miniatures aux couleurs vives.

Les ateliers approvisionnent ainsi à prix d’or les clercs et les bourgeois assez riches pour se payer des manuscrits (nom donné aux livres écrits à la main).

Mais à l’époque de Gutenberg, la copie de manuscrits n’est plus en état de satisfaire les besoins de lecture et d’apprentissage d’un nombre croissant d’étudiants et d’érudits. L’Europe est dans l’attente d’une révolution…

Un procédé magique

L’imprimerie est dérivée de la gravure sur cuivre ou sur bois, une technique connue depuis longtemps en Europe et en Chine mais seulement utilisée pour reproduire des images :
– on grave l’image sur une surface en cuivre ou en bois,
– on enduit d’encre la partie en relief,
– on presse là-dessus une feuille de papier de façon à fixer l’image sur celle-ci.

Gutenberg, graveur sur bois, a l’idée aussi simple que géniale d’appliquer le procédé ci-dessus à des caractères mobiles en plomb. Chacun représente une lettre de l’alphabet en relief.

L’assemblage ligne à ligne de différents caractères permet de composer une page d’écriture. On peut ensuite imprimer à l’identique autant d’exemplaires que l’on veut de la page, avec un faible coût marginal (seule coûte la composition initiale).

Quand on a imprimé une première page en un assez grand nombre d’exemplaires, on démonte le support et l’on compose une nouvelle page avec les caractères mobiles. Ainsi obtient-on un livre à de nombreux exemplaires en à peine plus de temps qu’il n’en aurait fallu pour un unique manuscrit ! 

Le procédé de typographie se diffuse à très grande vitesse dans toute l’Europe. On estime que quinze à vingt millions de livres sont déjà imprimés avant 1500 (au total plus de 30 000 éditions). 77% de ces livres sont en latin et près de la moitié ont un caractère religieux. Les livres de cette époque portent le nom d’«incunables» (du latin incunabulum, qui signifie berceau).

Beaucoup d’incunables sont imprimés à Venise, alors en pleine gloire. Au siècle suivant, le XVIe, Paris, Lyon et Anvers deviennent à leur tour de hauts lieux de l’imprimerie avec un total de 200 000 éditions.

Les conséquences de l’imprimerie sont immenses. D’abord sur la manière de lire et d’écrire : les imprimeurs aèrent les textes en recourant à la séparation des mots et à la ponctuation ; ils fixent aussi l’orthographe.

L’instruction et plus encore l’esprit critique se répandent à grande vitesse dans la mesure où de plus en plus de gens peuvent avoir un accès direct aux textes bibliques et antiques, sans être obligés de s’en tenir aux commentaires oraux d’une poignée d’érudits et de clercs.

C’est ainsi qu’un demi-siècle après l’invention de l’imprimerie va se produire la première grande fracture intellectuelle dans la chrétienté occidentale avec la Réforme de Martin Luther et l’émergence du protestantisme.

 

La difficile implantation de l’imprimerie dans le monde musulman 

Au XV e siècle, la copie de manuscrits occupe une place fondamentale dans le monde musulman; et l’arrivée de l’imprimerie à caractère mobile est accueillie  avec méfiance, voire avec hostilité. Dailleurs, le premier développement des impressions en langue et caractères arabes se fit dans l’Empire ottoman, où cette technique ne fut longtemps utilisée que par les non-musulmans (d’abord les Juifs, puis les chrétiens du Proche-Orient).

En effet, pour des raisons techniques, religieuses, politiques, économiques et culturelles, l’imprimerie à caractères mobiles s’implante très tardivement dans le monde musulman. Quelques tentatives isolées, plus ou moins réussies et liées à des milieux très précis, ont lieu entre le XVIe siècle et la fin du XVIIIe siècle en Europe et au Moyen-Orient. Mais ce n’est qu’au milieu du XIXe que l’imprimerie commence réellement à concurrencer la copie manuscrite.

Dès le XVIe siècle, les imprimeurs  ont trouvé des solutions pour restituer typographiquement l’écriture arabe, dont les ligatures et le tracé différent des lettres selon leur position posent de réels problèmes; mais les véritables résistances à l’introduction de l’imprimerie sont ailleurs. Raisons économiques d’abord : les copistes constituent une puissante corporation et une source de revenus importante. Raisons culturelles ensuite : le savoir intellectuel et religieux est détenu par les oulemas, partisans de la tradition et hostiles aux réformes. Le système de transmission du savoir obéit à des règles strictes de vérification des textes que bouleverse la standardisation de l’imprimé. 

A cela s’ajoutent des facteurs politiques  : les sultans Bayazid II en 1485 et Selim Ier en 1515 interdisent aux musulmans d’imprimer des textes en arabe et en turc dans l’Empire ottoman et ses provinces.

C’est en Europe que sont réalisées au XVIe siècle les premières impressions en caractères arabes avec un double objectif : d’une part permettre aux humanistes d’étudier les textes originaux ; d’autre part établir des relations entre les autorités catholiques et les communautés chrétiennes d’Orient. 

Cependant, la première typographie faite par et pour des musulmans naît à Istanbul au cœur même de l’Empire ottoman. Cette nouveauté voit le jour grâce au mouvement de réforme des institutions politiques, administratives et militaires qui traverse le pouvoir sous le sultanat d’Ahmet III (1673-1736). Le sultan autorise par un décret impérial – entériné par les autorités religieuses conservatrices – l’ouverture d’imprimeries. Mais les livres religieux restent rigoureusement interdits. Entre 1729 et 1742, la presse fait paraître dix-sept livres d’histoire, de géographie, de sciences ou de langue majoritairement en turc. L’imprimerie au service du progrès culturel se heurte encore à l’attachement du public lettré pour le manuscrit et au nombre peu élevé de lecteurs.

 

  • Herodote.net
  • BNF
  1. Illustration : Atelier d’impression du XVIe siècle | Jan van der Straet via Wikimedia
  2. Image à la Une : Livre de prière syriaque-arabe (Qondaq)Syrie, XVIIe siècle Manuscrit © Collection

 

 

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