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Le cinéma et la guerre de libération vus par Ahmed Bedjaoui

cinemaLe dernier ouvrage du spécialiste du cinéma algérien, Ahmed Bédjaoui, se propose d’aborder la guerre de l’image durant la révolution. Un livre passionnant et chargé d’informations, très utile pour comprendre certaines facettes de notre cinéma.

« L’apparition des premiers films réalisés par les algériens a précédé de peu le début de la lutte armée. Pour sa part et pour tenter de frapper les consciences des populations indigènes isolées, le gouvernement général a vite fait du cinéma une arme de propagande au service de l’action psychologique », explique Ahmed Béjaoui dans l’introduction de son dernier ouvrage.

Du côté du FLN, ses dirigeants ont rapidement saisis la portée de l’image dans la grande bataille médiatique qui s’organisait loin du champ de bataille et servait la propagande française. D’où la nécessité pour les algériens d’y participer pour attirer l’attention de l’opinion publique internationale sur la légitimité de leur combat et de contrer les sous-entendus de plus en plus clairs des français. D’ailleurs, ces images, qu’elles soient filmées ou photographiées, étaient généralement signées collectivement.

Les politiques, particulièrement doués, ont encadré des cinéastes, lesquels « ont fournit des images chocs aux journaux télévisés, notamment ceux des grandes chaînes anglo-saxonnes, à une époque où la télévision devenait un médium dominant. Le point culminant fut atteint grâce à M’hamed Yazid avec la présentation de « Yasmina » et « Les fusils de la liberté », en marge de l’Assemblée générale des Nations Unies. L’objectif était de préparer les diplomates à reconnaitre le droit des algériens à l’autodétermination.

Cinquante ans après le recouvrement de l’indépendance, l’auteur lance une interrogation « il est légitime de se poser la question de savoir comment et jusqu’à quel point le film algérien (secteurs cinématographique et télévisuel confondus) a représenté la guerre de libération ?

Pour l’auteur, « ces représentations passent par l’évaluation des reflets des différentes composantes de la société algérienne dans le miroir de l’historie ». Aussi, se propose-t-il d’aborder dans son ouvrage les sources de l’histoire pour mieux mesurer l’aptitude du film algérien à traduire -à travers le documentaire et la fiction- la genèse de « ce grand mouvement nationaliste qui a enrôlé l’immense majorité du peuple algérien et fait de son combat un exemple rare dans l’histoire de l’humanité ».  

Ainsi, Ahmed Béjaoui aborde l’évolution de ce cinéma, notamment à travers les noms qui l’ont marqué et les catégories sociales qui y sont représenté.

Cependant, il explique dès le début de son livre qu’il ne prétend pas faire une œuvre historique, mais simplement d’apporter un point d vue et un témoignage sur le cinéma vu par le lucarne de la guerre de libération. Et de reprendre une citation de Portelli Aurélien : « L’histoire écrite n’est qu’une retranscription possible du passé, et les vérités établies sont des sursis en attente d’autres découvertes… Pourtant, si son discours historique parait plus crédible que celui du cinéaste, l’historien est rarement le plus écouté des deux. »

Et tout l’intérêt de cet ouvrage réside justement dans le fait que nous sommes encore à la recherche de nos « images » d’un point de vue identitaire. D’ailleurs, la guerre des images se poursuit, comme un duel, plus de cinquante ans après l’indépendance. Un peu lente et timide de notre côté, mais rarement agressive, contrairement à l’autre partie. Un véritable dialogue de sourds qui ne fait qu’attiser les haines.

Et même si nous savons que nous ne pouvons raconter la même histoire, parce que vécue différemment, peut être que quelque part, le dialogue entre les deux bords ne peut simplement pas se faire entre un dominant et un soumis. Aujourd’hui, l’Algérie n’est plus une colonie française et, à ce titre, doit, elle aussi tendre ses propres images tel qu’elle les conçoit.

Ahmed Béjaoui conclue d’ailleurs ainsi son ouvrage : « C’est à force de convoquer le passé et de confronter les mémoires, que les faits seront assumés de part et d’autre et que les deux pays pourront enfin envisager une histoire commune ».

Khadija T.

  1. « Cinéma et guerre de libération. Algérie, des batailles d’images », par Ahmed Bedjaoui
  2. Editions Chihab, 2014.

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3 commentaires

Mohamed Nassim 25 février 2015 at 16 h 57 min

Excellent article merci

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sinoudj 5 mars 2015 at 17 h 00 min

C’est très ben qu’il y ait des ouvrages comme celui d’Ahmed Bedjaoui. L’histoire, c’est un tout. Le cinéma contribue à sa vulgarisation, à sa connaissance. En Algérie, il y a des acquis indéniables en la matière, mais il reste beaucoup à faire.
Il ne faut pas tout attendre de l’Etat. Il faut prendre des initiatives. Il faut créer une dynamique.
Merci à BABZMAN qui s’inscrit précisément et positivement dans ce processus.
A.Sinoudj

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Boualem Rais 26 février 2016 at 5 h 45 min

A travers cette forêt , algerinne je me suis retrouver un vrai tresor a prendre soin .
Bravo , pour ceux qui on travailler a rassembler , le passé et le présent , pour l’avenir .

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