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Histoire de l'art

Abdallah Ben Kerriou, le poète alchimiste

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Il est l’un des plus grands poètes populaires du XIXe siècle. Gamr Elleil compte parmi les joyaux de la poésie amoureuse saharienne de tradition oudrite.

Né à Laghouat en 1869, selon certains ou en 1871 selon sa notice individuelle de magistrat qui existe aux Archives de l’ex-Gouvernement général de l’Algérie. Sa famille était citadine ; elle appartenait aux Ouled Takh-Khi, d’où sa kunya Abdallah-t-Takhkhi (Takhkh signidie pâté, huile de sésame). Les Ouled Takhkh étaient une fraction du clan fort riche des gaytâna (sédentaire) de Laghouat. Son père Al Hadj Mohamed ben Tahar ben Karriou étaient bachadel (témoin instrumentaire principal de cadi) de Laghouat et sa mère Oumm-an-nouûn bent Naïma, appartient au même clan des Takhkhis. Il avait plusieurs frères, morts tous en bas âge et deux sœurs dont l’une était affligée d’une cécité totale et passait pour une poétesse de renom, et l’autre Oum el Kheir, était marié à un notable de Brézina, Bent Raggab.

Abdallah Ben Kerriou a reçu une solide formation dans les sciences juridiques et islamiques. Esprit curieux il s’est intéressé à l’astronomie, à l’astrologie, à l’alchimie… Pendant longtemps, il parcourut les contrées sahariennes à la recherche de la pierre philosophale.

Il aura suffi d’un regard pour que sa vie change. Le poète de Laghouat n’oubliera plus cette femme à qui il dédiera désormais pratiquement tous ses poèmes. Le docteur B. Bessaih  qui le compare à medjnoun Leila, dit que «marié puis divorcé, rien ne compte plus désormais pour lui que cet amour».

Cette femme était la fille d’une famille de grande tente, la famille Ben Salem du clan des Zaânin dont le chef était le redoutable bachagha Bensalem, ami des Français, Ben Kerriou, à la manière de Qays, ne put s’empêcher de traduire sa passion pour Leïla dans des vers qui immortalisèrent certes cet amour mais qui, pour son malheur, provoquèrent l’ire de sa famille.

Bien que cultivé et raffiné, il n’était pas question pour la famille de la femme à la fenêtre, comme une famille aristocratique et féodale, de se lier à ce poète déjà reconnu dans toute la région.

« Les poèmes de Ben Kerriou, écrit Cheikh Si Hamza Boubekeur, connurent une vogue extraordinaire dans le Sahara. Dans les villes, les villages et les tribus ils furent très vite répandus grâce aux meddahs, dans les marchés, les cafés maures, dans les foyers. On les chantait au cours des veillées, des mariages et des fêtes populaires saisonières. Partout du Sahara et dans le Tell algéro-oranais, le nom de Ben Kerriou et celui de sa bien aimée Fatna Az’anouniyya furent connus et leur amour commenté et médité à la grande indignation des Ben Salem, qui ne pouvaient rester sans réagir. Ils s’opposaient, le bâton à la main, à leur déclamation publique. Il y eut des bagarres à Laghouat. »

Les parents de la jeune femme, qui avaient constaté que leur progéniture est devenue le sujet unique du poète, allèrent jusqu’à faire appel au pouvoir français pour l’extrader. Ben Kerriou fut, en effet, interdit de séjour à Laghouat et obligé d’aller à El Goléa.

Dans tous ses poèmes, Abdallah Ben Kerriou n’a jamais cité le nom ni le prénom de la femme à la fenêtre. «Ben Kerriou aura su, tout au long de son existence, taire son nom, sans défaillir, sans trébucher. Il aura fait davantage par respect pour elle que par crainte de représailles», note le docteur Benhamouda qui a réussi brillamment à traduire les vers du célèbre poète du melhoun.

Avant de mourir à Laghouat en 1921, Abdallah Ben Kerriou fut frappé de cécité. C’était peut-être son souhait de ne plus voir de femme ni de fenêtre. Au sujet de la fenêtre, ne dit-on pas que l’amoureux de la fenêtre ne fait point de rencontre ? (âchaq ettaqa ma yetlaqa). Ce dicton populaire ne concerne-t-il pas directement ce poète ?

Selon son ami intime, Sid Ali ben Tayyeb Chohra cité par cheikh Si Hamza Boubekeur, il fut enterré à Laghouat, et selon d’autres informateurs, il fut inhumé à Ghardaïa.

Sources :

Extraits cités :

  • « Abdallah Ben Kerriou. Poète de Laghouat et du Sahara » de Boualem Bessaih, Editions Ziryab
  • « Trois Poètes algériens, Mohamed Belkayr, Abdallah Ben Kerriou, Mohamed Baytâr » de Cheikh Hamza Boubakeur, Editions Maisonneuve & Larose, Paris, 1990.

Illustration: « Les amoureux » Etienne Dinet

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