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Chroniques Raconte-moi le Chaabi

SOULET ATTOUCHE : partie I, Traduction : Dr Rachid MESSAOUDI

cavaliersLes contes légendaires berbères  sont autant d’histoires fantastiques ouvrant les portes des rêves. Peu connus par les maghrébins, ils méritent autant de célébrité que Roméo et Juliette, Kais oua Leila, Antar et Abla pour ne citer que ceux qui résonnent. Il en existe bien d’autres dans nos contrées bédouines mais elles demeurent  dans l’anonymat et l’ignorance de notre patrimoine.

Ali KORA et BENHAMADI sont porteurs d’histoires d’amours impossibles à qui on rendra un jour justice à travers une comédie musicale ou une pièce de théâtre. L’occident rabote ce genre d’histoires à coup de grands spectacles qui perpétue l’engouement d’un vaste public.

Ce texte, écrit par le « venin » des poètes du « melhoun », Mohamed BENSLIMANE, poète fassi est l’une des plus belles chansons du patrimoine « chaâbi ». S’inspirant de l’histoire d’amour tragique de la princesse Attouche et de son cavalier Fadhel, le poète implore sa bien aimée de lui porter un amour aussi grand que celui de la princesse.

Attouche avait reçu son amoureux au sein du palais princier. Fadhel quitta la chambre de la princesse et y oublia le fourreau de son épée. Le prince devina l’intrusion d’un amoureux au sein de son palais. Au cours d’une partie de chasse à laquelle il convia quelques cavaliers, il s’aperçut qu’un membre de sa troupe avait changé de fourreau, c’était Fadhel. Il décida de les mettre à mort tous les deux. Les tombes d’ Attouche et de Fadhel  étaient côte à côte. Peu de temps après, un arbuste poussa de chaque tombe et les branches se rapprochèrent pour s’enlacer. Furieux le prince coupa des arbustes. Il dut le faire par dix fois tant les branches revenaient à l’accolade.

De guerre lasse, il déterra les corps et les sépara  à une distance respectable. Néanmoins, un cours d’eau  surgit de chaque tombe pour croiser l’autre, signant ainsi l’éternité de l’amour, par delà la mort.

A ma connaissance, trois chanteurs seulement ont interprété cette chanson et encore, avec un texte incomplet et souvent incompréhensible. EL ANKA, Hassan KAOUANE, Mazouz BOUADJADJ et plus récemment Abdelhak BOUROUBA dont les paroles sont fidèles et dans leur totalité.

Appréciez la richesse des métaphores de BENSLIMANE dont on attend l’édition de son recueil à la découverte de son génie poétique.

 

ATTOUCHE

Mohamed BENSLIMANE (19ème siècle)

هبت لرياح و جّرد البرق سيفه ضاوي

نعنيه سقير من لمزان حاف للحروب بجيوش ما يلقاوه شجعان

الّرعد طبول لغاه تنتقر و دقه هاوي

صّبح خّد البيدا من صنعة الغاني منقوش تسخير من الّرحمان

 هذا  فصل النّوار يا اّلي هو دنياوي

 لّقط مشموم الورد  و الّزهر لّقط المردقوش الّنسري و الّسوسان

و العاشق و المعشوق كيف جبته متساوي

و القرنفل والشكوكي مع البهر و الخيلي مرشوش  و لقاح من الّريحان

اهديه لعّراض الغزال كان انت هاوي

تيه العشيق على المعشوق ما زادوه غير فشوش هذا شرط الغزلان

Les vents ont soufflé tandis que l’éclair a brandi son épée étincelante

Tu le croirais meurtrier  sorti des nuages et engageant la bataille avec ses troupes

Que même  les plus téméraires ne sauraient affronter

Le tonnerre  grondait  avec des percussions  d’amour

La vallée se réveilla bariolée comme l’a voulue  le Miséricordieux

C’est la saison des fleurs ô toi qui aime la vie

Compose ton bouquet de roses et de fleurs

Cueille la marjolaine, l’églantine et le lis

Les pois de senteurs mets les en harmonie

 

Rajoutes-y de la giroflée, du nard, du narcisse,  des œillets humides

Et quelques brins de myrte

Offres le à la plus belle des gazelles

Si tu es romantique

Les amoureux se sont séparés avec les indiscrétions en prime

C’est leur rançon

 

 

 

صولي صولة عّطوش يا السيف العّلاوي

ما صالوك اهل الجحاف يا راية بين جيوش

يا تهليل السلطان

 

Surpasse la dimension (en amour) de Attouche, toi ô l’épée de Sayed Ali (compagnon et cousin du prophète QSSL dont l’épée avait deux pointes et qu’on appelait également « dhou el fik’ar »)

Ne pourront t’égaler les calomniateurs, ô toi l’étendard au dessus d’une armée, toi la relique du Sultan

Attouche et Fadhel sont les amoureux légendaires d’un conte berbère qui ont payé leur amour de leur vie.

 (Les sultans accrochaient  sous le bras gauche  une sorte de récipient en or ou en argent dans lequel ils mettaient une copie du Saint Coran ou des bijoux et autres pierres précieuses.)

Ce fétiche est souvent comparable aux belles femmes en raison de sa beauté.

 

 

أ ياقوتة شلآ   يحضي  كسراو ى

يا شمعة ملك نايرة في قّبة مفروش توقي يا غصن الخيزران يا نخلة بين اعروش يا قامة غصن البان

و الّسالف    ريش الّنعام لونه عبد اقناوي

صيفته من هيبة لكحال واطلق زوج احنوش

كّن اظقيرات ثعبان

يا لحض السابغ الّشفر  يا  الغزال  الّداوي

يا من عندك تحت القواص باش اتفاقم لهيوش

يا بوري منفريمان

يا خّد الورد في رياض سوسان امساوي

يا جّلينار الباهج المفّتح اّلي هو مفروش

و الآى بّنعمان

Ô toi perle que ne saurait posséder CHROSROES (sultan perse au temps du prophète QSSL)

Ô toi la bougie royale illuminant la pièce achalandée sous la coupole

Ô toi la lune parmi les nuages

Ô toi le bouquet des belles, ô toi le brin gorgé d’eau

Surgis ô toi la tige de bambou, le palmier parmi les oasis

Ô toi qui a la taille d’un saule

Ta chevelure pareille aux plumes d’autruche de couleur nègre

Du plus profond du noir apparaît lâchée comme deux reptiles

Chaque natte telle un serpent

Ô toi qui a les cils teintés, toi au cou de la gazelle beuglante

Ö toi qui a sous les arcades des sourcils de quoi semer la zizanie

Entre l’ « abouri » (fusil à pierre marocain) et le « freeman » (fusil à pierre américain à canon scié)

Ö toi aux joues roses parmi le parterre de lys alignés

Ô fleur merveilleuse de grenadier  éclose et répandue ou alors telle un  coquelicot.

 

Dr Rachid MESSAOUDI

Illustration : Huile sur toile, « Cavaliers arabes », A. Schreyer, XIXe

 

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