Les diktats de beauté varient et évoluent au fil du temps, mais aussi des régions et des cultures. Aujourd’hui, nous vivons une ère de mondialisation qui nous impose le rachitisme comme suprême symbole d’un idéal du beau, et de maîtrise de soi.
Cependant, il existe encore de nos jours des sociétés qui célèbrent « l’opulence » des formes, tel que nous pouvons l’observer au pays du Soleil Levant, où les lutteurs nippons de sumo sont adulés à la Cour Impériale et élevés au rang de dieux.
L’opulence des formes en Afrique : une mode immortelle
A Niamey au Niger, l’on célèbre le « mani- fori » qui se traduit par la « fête des grosses ». Cet engouement pour les corps bien en chair est tel, que lorsque l’embonpoint n’est pas naturel, les femmes ont recours à la pratique du gavage, appelé : « hangandi » en dialecte zarma de l‘Afrique de l’ouest. Les femmes désireuses de se « remplumer », s’y adonnent généralement avant les jours de fêtes. Ainsi, la femme qui réussit à ingurgiter la plus grande quantité d’aliment tel que le mil, sera respectée par l’ensemble du village.
En plus d’être une tradition ancestrale, «Le hangandi », entretenue par la tribu songhay- zarma, célèbre et véhicule «un esprit de sociabilité et de solidarité».
L’opulence physique est prisée dans la majeure partie de l’Afrique actuelle. Elle prend, chez les tribus sahélo-sahariennes un double sens, qui tend à la fois vers l’embonpoint physique, ainsi que vers l’abondance matérielle considérée comme l’apanage des castes nobles et aisées.
De fait, la pratique du gavage y est très répandue, et plus particulièrement chez les Kel Tamasheq du nord du Mali et du Niger ; ainsi que chez les maures zénaga (berbères arabisés), et la tribu arabe des Reguibets, qui adoptèrent les mœurs des touaregs ; et dont les territoires s’étendent jusqu’à Gao au Mali, et au Sahara Occidentale jusqu’à l’extrême sud-ouest de l’ Algérie, plus précisément à Tindouf.
Lors de ses nombreuses pérégrinations, le célèbre géographe amazigh Ibn Battuta nous livrait déjà au XIVe siècle sur les Kel Bardama (touaregs du nord du Mali), le récit suivant : « les femmes des Bardâma sont les plus parfaites en beauté, les plus extraordinaires dans leur extérieur, d’une blancheur sans mélange et d’une forte corpulence. Je n’ai vu dans aucun pays de femmes aussi grasses ».
En ce sens, l’anthropologue linguiste Hélène Claudot-Hawad écrit dans son ouvrage paru en 2011, et intitulé, « Plus belle qu’une troupe de faons – L’imaginaire de la beauté chez les Touareg » : « Les femmes [… ] incarnent la stabilité. Elles sont le pilier central de la société et ce rôle d’ancrage est évoqué par certains aspects valorisés de leur apparence ou de leur comportement, tels que la belle démarche lente, posée, majestueuse, plutôt que rapide et sautillante, ou encore des formes généreuses ». Ainsi chez les Kel Tamasheq, la beauté féminine ne se parfait qu’avec les rondeurs d’une chair grasse et bien dodue.
L’opulence féminine demeure un symbole de générosité, de procréation et de richesse dans l’imaginaire populaire de plusieurs sociétés. Pour atteindre cet idéal esthétique, une constance diététique est imposée, et le gavage devint une condition sine qua none pour y parvenir, ce dernier obéit à des normes précises et une rigueur draconienne.
A suivre …
Leila A.
Source Image :
- « Gavage (adanay) chez les Touaregs« , Bernus Edmond. In : Encyclopédie berbère , 1998