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Le conte du jeudi – Le manteau de plumes …

théIl était une fois, un roi qui gouvernait un immense royaume. Il régnait non seulement sur les hommes, mais également sur les animaux et les oiseaux. Ils s’exprimaient dans la même langue et obéissaient à la même loi ; celle du roi.

Ce monarque qui était à la fois juste et ferme avait plusieurs années auparavant, épousé une princesse de grande beauté. Il l’aimait beaucoup, comblait ses désirs et cédait au moindre de ses caprices.

Se sachant belle et aimée, la jeune reine voulait profiter de cet avantage, dont la nature l’a pourvue, pour satisfaire ses fantaisies.  Un jour, allant retrouver son seigneur, maître et affectant de l’enjouement, elle lui dit :

  • Ô Majesté, je désire ardemment porter un manteau de plumes.
  • Je te l’offrirai bien volontiers, lui répondit son royal époux, mais je ne sais où le trouver.
  • C’est bien simple, lui répliqua-t-elle : Convoque les oiseaux du royaume et demande leur de te remettre chacun une plume. La couturière du palais les utilisera pour me façonner le vêtement.

Le lendemain, le souverain ordonna le rassemblement de toute la gent volatile. Au jour fixé pour la réunion, il vit la cour de son château envahie par la foule de ses sujets volants. On fit aussitôt l’appel et on découvrit l’absence de la chouette.

  • La chouette !
  • La chouette !

Peine perdue, car aucune réponse ne s’éleva et un silence lourd s’abattit sur l’assistance qui demeura comme pétrifiée. Quelle décision allait prendre sa Majesté ?

Le roi appela deux aigles et les chargea de ramener, séance tenant, l’imprudent oiseau de mauvais augure. Une demi-heure plus tard, ils étaient de retour, encadrant la chouette qui vint se poser calmement devant son seigneur. Celui-ci l’interrogea  et lui demanda les raisons de son absence :

  • Pourquoi n’as-tu pas répondu à l’appel que j’ai lancé à tous les oiseaux du royaume ?
  • Veuillez m’en excuser Majesté car je n’ai pas prêté attention à votre convocation, j’étais plongée dans de profonds et sérieux calculs, lui répliqua-t-elle.
  • Quel genre de calculs faisais-tu ? insista-t-il.
  • Je me suis exercée à dénombrer les jours et les nuits, les vivants et les morts, les hommes et les femmes car je voulais connaître l’élément le plus important dans chacune des trois catégories.
  • Et tu as réussi à obtenir les résultats exacts ?
  • Oui Majesté, et je puis vous affirmer que je suis en mesure de me prononcer avec certitude.
  • Et bien ! commençons :

          Quels sont les plus nombreux ?  Les jours ou les nuits ?

  • Ceux sont les jours, avança la chouette, avec spontanéité, car dès le milieu du printemps et pendant tout l’été, les nuits sont claires. Illuminées par les étoiles et la lune, la nature parraît dans toute sa splendeur et nous dévoile ses beautés. Toutes ces nuits doivent être comptées avec les jours, n’est-ce pas ?
  • Je suis d’accord avec toi. Passons maintenant aux vivants et aux morts. Dis-moi de quel côté penche le plateau de la balance.
  • Le nombre des vivants est supérieur à celui des morts. Il y a des hommes qui ont disparu, enterrés depuis des siècles et pourtant on continue à parler d’eux avec respect. Leur souvenir est entretenu dans les mémoires et on a l’impression qu’ils sont toujours présents parmi nous. Certains se sont sacrifiés pour l’honneur et la dignité de leur patrie, d’autres ont voué leur existence au service de leurs semblables. Ils doivent être ajoutés aux vivants qui se rappellent de leur activité au profit de l’humanité.
  • Je suis encore de ton avis, chouette, et, que penses-tu des hommes et des femmes ?
  • Excusez ma franchise, Majesté, car j’ai peur de vous décevoir en vous certifiant que la totalité des femmes et bien plus élevé que celle des hommes.

Imaginez certains d’entre eux : ils ont tout pour s’imposer à leurs épouses et pourtant ils se laissent guider par elles et se soumettent à leur volonté. Au mépris de leur richesse, de leur culture, de leur personnalité et de leur puissance, ils s’empressent, sans réfléchir, de satisfaire leurs caprices aux dépens des faibles et des malheureux. Ils doivent être comptés parmi les femmes.

Le roi se sentit fouetté par l’allusion faite par la chouette pour critiquer sa conduite. Il resta un instant assommé. Ouis il se redressa et ordonna d’une voix rauque :

  • Retournez tous chez vous !

Après le départ des oiseaux, il pénétra dans le palais et vit la reine qui accourait aux nouvelles. Il la saisit par la chevelure et lui cria, les dents serrées :

  • Par ta faute, j’ai été ridiculisé, humilié par la chouette. Tu paieras très cher ton extravagance car je vais te faire confectionner un épais manteau d’épines au lieu de celui que tu as demandé en plumes.

Source :

  1. Contes  populaires, Tahar OUsseddik – ENAL, 1985.

Illustration :

  • Jean-Joseph Benjamin-Constant, « Le Flamant rose », 1876, Musée des beaux-arts de Montréal.

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