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LE CHAABI D’ALGER Naissance d’un nouveau genre, par Dr. R. Messaoudi

algerPeu à peu, la musique populaire chaabi  a donné naissance à un large auditoire de nouveaux citadins en accord avec leurs mœurs et leurs sensibilités. Populaire était-elle nommée en raison de ses adeptes qui formaient le plus gros du peuple.

EL ANKA  est indiscutablement l’un des pionniers du « medh ». M’hamed El MEDDAH est donc resté dans le sillage de son maître Mustapha NADOR qui le mit sous son aile dès l’âge de 13 ans en l’affectant tout d’abord au tar. A la mort de son mentor, EL ANKA n’avait que 19 ans et il a su perpétuer la tradition des fêtes familiales. Il s’est imposé par son talent au niveau de la diction, de la créativité de ses compositions musicales en imprimant son cachet pour ce nouveau genre.  EL ANKA a su donner les contours du chant en y imposant une chronologie héritée de l’andalous. Ainsi, le schéma du prélude ou « istikhbar » suivi de la « qasida » suivie d’un « mkhilass » devint un modèle. Nous en parlerons en détail dans une prochaine chronique.

Les voix des « meddahines » resteront méconnus en raison de l’absence de moyens d’enregistrements de l’époque. Tandis que les nouvelles figures apparues vers les années 1930 telles que HADJ MRIZEK, HADJ MENOUER et KHELIFA BELKACEM ont pu bénéficier des progrès de la technique.
En 1946, BOUDALI Safir, Directeur artistique et littéraire Radio Algérie pour les émissions en arabe et en kabyle qualifia le « medh » de musique populaire. L’appellation « chaâbi » ne fut adoptée officiellement qu’en 1964 lors du colloque sur la musique algérienne. Depuis, le « chaâbi » est devenu une entité à part. Les textes du chaâbi sont issus principalement du « melhoun » dont l’Académie Royale Marocaine  en détient plus de 6000.

Cependant, un immense compositeur de musique et parolier algérien du nom de MAHBOUB SAFAR BATI a fait fleurir ce patrimoine entre les années 1960 et 1970. Sans ce prolifique artiste, aujourd’hui disparu, des chanteurs chaâbi n’auraient pas atteint la notoriété qu’ils ont aujourd’hui. On a parlé de néo-chaâbi, terme impropre aujourd’hui tant les petites compositions et textes s’inscrivent dans la pauvreté. L’oeuvre de BATI est immense par sa qualité et est restée dans le cadre purement chaâbi au parfum algérois. Il est certes plus léger, plus accessible mais il a été l’impulsion d’Amar EZZAHI, de feu EL HADJ EL HACHEMI GUERROUABI et même de Boudjemaâ EL ANKISS en leur permettant une diversification de leurs répertoires respectifs. De nouvelles mélodies se sont fait jour. Il serait par ailleurs impardonnable d’oublier l’apport de Dahmane EL HARRACHI (Amarni Abderrahmane) à l’enrichissement des mélodies. Combien d’airs ont été empruntés par les chanteurs chaâbi viennent de Dahmane, que Dieu ait son âme ?

L’orchestre traditionnel chaâbi comporte cinq musiciens dont un est chanteur en jouant du mandole, instrument typiquement algérien. Celui-ci s’apparente à la « kouitra » ou mandoline qu’il remplaça grâce à son manche plus long et ses quatre cordes métalliques. Le mandole a été introduit par EL ANKA pour ses sonorités plus hautes et plus vives.

Les deux banjos (ténor et guitare) sont les deux instruments à cordes qui permettent l’envol et s’appellent les « djnahtines » ou ailes. La percussion est représentée par la derbouka et le tambourin à cymbales ou « tar ».  Ils sont donc en principe comme les doigts d’une main à telle enseigne que quand ils donnent la réplique en cœur du refrain on parle de « khmassa ».

Depuis quelques années, les orchestres admettent le piano, le synthé, le violon, la cithare et parfois le « oud » ou luth.

 

Par Dr. R. Messaoudi

  1. Image : Photographie MAHBOUB SAFAR BATI

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3 commentaires

sohib 4 mai 2014 at 18 h 07 min

C’est grâce à deux artistes de génie en les personnes de Mahboub BATI et Dahmane EL HARRACHI (qui a toujours vécu en France ) que le chaâbi s’est modernisé en devenant un genre musical écouté aux quatre coins du pays. Ils ont su le populariser en l’Algérianisant définitivement. Avec eux, les chansons sont écrites dans la langue Algérienne et leurs thèmes se rapportent généralement à la vie de tous les jours( quoique le genre de Dahmane el HARRACHI est plus développé ). Sur le plan musical, ils ont apporté la fraîcheur qui manquait tant au chaâbi. La musique de Mahboub BATI est reconnaissable à ses fioritures avec Dahmane El HARRACHI l’artiste chaâbi le plus original et le plus prolifique, c’est la mélodie qui prime avec néanmoins une légère coloration occidentale. L’exemple de la chanson ya rayah est très édifiant à ce propos, bien que composée dans le mode musical Sahli , il a su lui donner un cachet universel. Les conservateurs emploient le terme  » chansonnette  » pour qualifier l’oeuvre de Mahboub BATI. C’est une façon pour eux de minimiser son apport à la musique chaâbi. Pour la plupart des mélomanes, chansonnette veut dire  » petite chanson  » comparée à la  » qacida  » mais en réalité la signification est tout autre, car chansonnette veut dire chanson frivole et sans prétention. En somme c’est une chanson qui ne fait pas le poids. Sans Mahboub BATI la notoriété des chanteurs châabi de la fin des années soixante et le début des années soixante-dix, n’aurait jamais dépassé le cercle restreint des fêtes familiales algéroises. C’était l’époque du  » chaâbi de quartier  »  » où l’on s’accrochait aux anciens textes du melhoun tout en sacrifiant la réalité immédiate. L’évolution du chââbi qui se pratiquait à Alger doit beaucoup à ce monument de la musique algérienne car beaucoup de chanteurs comme: Hachemi EL GUEROUABI, Boudjemaâ EL ANKIS, Amar EZZAHI, Amar EL ACHAB se sont faits d’abord connaître hors d’alger à travers les chansons de Mahboub BATI (de son vrai nom Mahboub SAFARYATI ) et c’est de cette manière qu’ils ont pu faire passer certains textes de melhoun.

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kamel 9 avril 2016 at 6 h 14 min

Les grands artistes sont partis, j’ai envie de pleurer.

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Hassen 20 septembre 2017 at 13 h 34 min

Merci pour cet article et merci aussi pour ce long et non moins riche commentaire qui vient compléter le propos de l’article.
Mais il me semble toute fois qu’il manque un grand artiste à qui il serait tout aussi nécessaire de rendre hommage… 3ammi Mohammed El Badji en l’occurrence, paix à son âme.
Car en effet, en plus et au delà de sa personnalité haute en couleur, l’apport qui fût le sien demeure à nos jours des plus considérable…! Souvent en marge des circuits commerciaux, ces textes et mélodies en abondamment été repris par les grand maîtres du khelwi tel que Ezzahi et Boudjemaa, paix à leurs âmes…
Pourriez vous nous en parler avec votre regard d’expert ? 🙂

Merci encore à vous pour la richesse intarissable de votre propos et très bonne continuation !

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