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Nouvelles du sud

Khet el raml ou l’art de la parcimonie et du partage.

fogLes civilisations d’antan naissaient et s’épanouissaient autour d’un élément plus prisé que tous les métaux précieux et toutes les autres richesses : l’eau, sans lequel toute vie serai menacée.

Lorsqu’elle vint à manquer dans certaines contrées, la virtuosité de l’homme consista à l’acheminer par un système ingénieux de drainage des eaux. La plus antique de ces galeries, sorte de «source artificielle », date de plus de 3 000 ans. On la retrouve en Iran sous l’appellation el qanat, ou encore el falj au sultanat d’Oman, el kariz en Afghanistan et au Pakistan, el kanerjing en Chine et la khettara au Maroc, la kriga en Tunisie. Au sud de l’Algérie, plus précisément au triangle Touat-Gourara-Tidikelt, cette technique est appelé el Foggara.

Sid el ‘ain « Le maitre de la source »

Les premières foggaras auraient existé entre le XIe et le XIIe siècles. Elles puisent dans les eaux de la nappe albienne et phréatique du plateau de Tadamait, une zone aride en surface mais qui abrite une nappe abondante. Une fois acheminée, cette eau doit être partagée avec parcimonie et équité selon deux procédés. Dans la région du Touat, le partage des eaux de la foggara, à l’instar de la khettara du Maroc, obéit à une rotation horaire et s’effectue au tour à tour, à tour de rôle. Tandis qu’au Gourara, le partage demeure plus complexe, selon une science ancestrale appelée khet el raml qui signifie littéralement le trait du sable ou encore el khet el zanati (le trait Zénète).

Le calcul hydraulique a longtemps fait office de monnaie et permettait de régulariser les échanges fiscaux entre les copropriétaires, locataires des oasis dont la répartition des eaux doit être jalonnée et contrôlée. Les litiges liés à cette répartition sont réglés sous l’égide du Sid el ain (maître de la source) qui jouit d’un statut privilégié parmi les siens. « Il est aussi de bonne guerre de s’assurer l’amitié de ces « détenteurs du secret », dont on espère quelques faveurs dans les conditions de partage ».

Dans une société reposant sur une tradition de transmission orale, toute besogne relative à khet el remal est fixée par écrit afin de pallier aux conflits. Un registre hypothécaire d’eau, appelé el zmam, est tenu afin de tout notifier minutieusement.

Le procédé se fait grâce à el Hallafa, une planchette percée, dont chaque trou est appelé habba, unité de mesure duodécimale. Il s’agit d’une sorte de calculette quantitative pour mesurer le débit de la source. Le débit est relatif à la superficie du djenan (le jardin) et sa distance par rapport à la foggarra qui l’alimente en amont et en aval. L’eau est déversée dans un qasri qui est le bassin central qui alimente les bassins individuels (les madjens). Le débit est ainsi contrôlé par l’ouverture et l’obstruction.

La foggara est obstruée selon un temps prédéfinis pour permettre de reconstituer le niveau nécessaire, puis l’eau est débloquée pour un temps donné, proportionnel au tribut financier versé par le bénéficiaire.

De nos jours, un grand nombre de foggaras gisent sous le sable du Grand Erg Occidental, remplacées par des châteaux d’eaux. Quelques unes demeurent cependant fonctionnelles.

Ces étonnants édifices reposent sciemment sur une instruction sociale, basée sur l’œuvre collective. L’entretien de la foggara ainsi que la répartition de son eau est l’une des plus importantes tâches dans la vie pastorale des oasis occidentales.

Leila A.

 

Sources :

  1. « La foggara en Algérie : un patrimoine hydraulique mondial »,               Revue des sciences de l’eau / Journal of Water Science, Volume 23, numéro 2, 2010, p. 105-117
  2. https://id.erudit.org/iderudit/039903ar
  3. CRISTINI et LANGLAIS, 2004 ; GOBLOT, 1979 ; WESSELS, 2005.
  4.  Nadir Maarouf, « Lecture de l’espace oasien », Barzakh 2013

 

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