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“El-gallal” et “El bendir” Ou la longue litanie des “medahates” traditionnelles d’Oran

medhLes Meddahate sont un orchestre de femmes composé de trois à quatre musiciennes et une Meddaha, chef d’orchestre, qui chante et joue de la tbîla. Les autres instruments utilisés sont : «el-gallal », «el bendir», «el chekchek».

 

Elles se produisent devant un auditoire exclusivement féminin lors des fêtes familiales, comme les cérémonies de mariage ou de baptêmes : «sadâne» «henna» «mahdar» «t’hara»…etc.  Elles ont leur propre répertoire. Un ensemble de chants édifiants «med’h», d’où leur nom, et un répertoire profane plus léger.

A Oran, avant l’indépendance, il y avait de nombreux groupes. On peut dire sans exagérer que chaque quartier avait son ensemble de meddahate.

Le plus ancien groupe était celui de Souibria Daïb Bent Sidi Belkacem qui habitait la rue de Wagram à Agbet Zabek au Derb. Cet ensemble était sollicité par les anciennes familles oranaises pour sa connaissance du répertoire religieux.

A M’dina J’dida, officiaient plusieurs groupes.  Le plus connu était celui des «Maoussa» de Sidi Blel dirigé par “Meriama” accompagnée de ses deux filles.

En plus des chants religieux, ce groupe jouait des rythmes rapides pouvant aller jusqu’à la transe «Jdib». Un autre groupe, également apprécié en Ville-Nouvelle, était celui de la meddaha «Gotèche» accompagnée de Houaria Zerga. A Médioni et à Lamur c’était «Bnat Baghdad» qui officiaient.

Au vieux quartier de Sidi el Houari, le plus connu était le groupe de Fatouma Maghni el Mestghalmiya (la grand-mère du célèbre compositeur Mohamed Maghni).

Elle habitait près de l’hôpital Baudens. Il y avait un autre groupe à La Marine appelé «Choumaras» Il était dirigé par “Yamina mart Chalgo”.

Lors d’une cérémonie familiale, les anciennes meddahate commençaient toujours  par des chants mystiques. En premier lieu, Lakhdar Benkhlouf et surtout de ce poète : «Sid l’oumma Mohammed, sal Allah ‘alik lebda» (Le seigneur de la nation Mohammed, nous te prierons toujours) et de Bna-Msâyeb «El horm ya rassoul Allah, el horm ya habib Allah, el youm jît ‘andek qased » (Je me soumets, ô prophète d’Allah, je me soumets, ô bien-aimé d’Allah, aujourd’hui, je me dirige vers toi).

Donc, des chants célébrant le prophète mais aussi d’autres à la gloire des saints d’Oran, de Mostaganem ou de Relizane : Sidi El Houari, Sidi Abdelkader, Sidi El Harrag, Sidi Belkacem, Sidi Abed.

Kheira Essebsâjiya était une ancienne poétesse-meddaha. D’elle, le cheikh Benhamida, ce fin connaisseur de poésie bédouine, après avoir entendu une élégie écrite par elle en l’honneur de Sidi El Hasni, dira : «and rouha!» (Cette dame est capable !).

L’ode de essebsâjiya à la gloire de Sid el Houari était chantée par toutes les meddahate : «Houari  sîd el mlâh,’ayat  lî ‘ajlana, da lî  aqlî  ou-râh, we ‘alih  fnît ana» (El Houari, le Seigneur parmi les meilleurs, m’a appelée d’urgence, il s’en est allé, après m’avoir ravi l’esprit, me laissant anéantie).

De Abdelkader Bentobdji, le chantre de Sidi Abdelkader El Djilani, elles chantaient avec complaisance Imam el oulia : «Mnîn chefti imam el oulia, ki yetkhabel hâlî,   Mnîn chefti Bouderbala, rakeb el hamra ghalghala-w-srouj el bédala -w-rkab ichali,  Marhaba -b- rijal Allah Boualem el ‘ali» (Quand je vois le roi des saints je suis comme possédée. Quand je vois Bouderbala, dans sa légendaire jument rouge et la selle finement harnachée. Quand je vois le roi des saints saluant du haut de sa monture, je  suis littéralement envoutée. Bienvenue aux élus de Dieu, bienvenue à l’homme à l’étendard).

De Bentobdji, elles chantaient également le célèbre Sid el Harrag : «Sid el  harrag ya mlâh, dalî ‘aqlî -w-rah. Houwa jay beslâh wel ‘âskar bih dayrâ». Et de Bentobdji encore, elles interprétaient bien évidemment le fameux «Abdelkader ya Boualem, dâk el hal a’liya. Daoui halî ya Boualem soltan el aoulia» qui sera repris plus tard par les chanteurs de raï.

Ces meddahate traditionnelles interprétaient également des chants religieux anonymes demandés par les femmes comme : «Dokkar jnanî, ya soltan el ber wel  bhar, chikh el jillali, sidi abdelkader el fhel» ou bien le très demandé «Hna jina ziyâr, ya sidi Bou’asria, Hna jina ziyar, qasdîn zine niya. Ya sidi Belkacem dir mejhoudek-wet hazem, enta rajal qayem fi khedîmek dir mziya». Et bien d’autres poèmes mystiques appréciés des auditoires féminins.

Tous les saints de la région étaient glorifiés par ces chanteuses avec un plus pour le plus populaire d’entre eux, Sidi Abdelkader El Djillani

Après l’indépendance, de nouveaux groupes apparaissent comme celui de “Minine” et  de “Kheira taxi”… Ces nouvelles meddahate se différencient des premières par l’utilisation du “rbab” (un instrument à cordes) et également par leur répertoire plus large et plus varié. Cela va des mélopées religieuses à la chanson légère puis à la chanson raï.

Et pour terminer, évoquons une «henna» traditionnelle. Elle  se déroule dans la cour intérieure de la maison où dans la terrasse. Les musiciennes préparent leurs instruments. Les «berrazet», parées de leurs plus beaux atours, sont assises sur des chaises. Les autres femmes sont assises à même le sol, sur des tapis.

L’orchestre de meddahate commence à jouer un chant religieux. Une jeune femme, en habit traditionnel : blousa mensouj, jabadouli, chachia bel mejboud, remet la «ghrama» à la meddaha-berraha. Elle attend la fin de la “tebriha” pour commencer à danser. Elle danse sur un rythme lent avec beaucoup de retenue. Il est de tradition que les jeunes femmes récemment mariées ne dansent que sur des airs religieux. Une autre attend patiemment son tour. Elle danse elle aussi sur du medh : «Lalla Sa’diya mimet el Rsol, lalla Sa’diya», puis, s’approche d’une meddaha et demande le «madjoul» ce «h’zam» en laine multicolore avec des pompons.

Elle danse une  «rila» «Dor biha, ya chibani dor biha …». Le rythme est beaucoup plus rapide … Tout à coup, elle s’arrête…La mariée arrive. Aussitôt, la meddaha chef-d’orchestre entonne ce chant, toujours le même, dit au moment où on soulève sept fois la mariée avant de l’asseoir sur sa chaise: «Salati w-esslem, Sidi mohammadi» ! un coup de baguette sur la “tbîla” «salat ‘ala hbib chafi’ el ‘ibadi » ! un deuxième coup de baguette … Des moments inoubliables … Une fête familiale simple et authentique.

Autre temps, autres mœurs, le D.J. et les jeux de lumière ont remplacé les meddahate. La blousa oranaise est délaissée au profit de tenues étrangères.

Dans les repas festifs, la «h’rira» a détrôné la «chorba». Des trompettes démesurément longues ont remplacé notre «ghaïta»…  Il est plus que souhaitable de nous réconcilier avec nos traditions car c’est là qu’est notre identité.

Par Ouioui Bensetti

In https://www.oranais.com

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1 commentaire

Meriem 9 juillet 2015 at 19 h 57 min

J’ai été emportée par votre article dans un autre monde,un autre temps.Ce fut merveilleux, merci beaucoup pour l’article.

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