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Conte – Nahferlek kabrek bi fes min dhaheb – Partie I – La promesse

tisseuse et métier à tisserLa naïveté devient une tare lorsqu’elle arrive au point de croire à une personne absurde. Mais la bêtise a des limites surtout quand une vieille prend les choses en main. Et gare au renversement des rôles !  

Brahim et Zina sont cousin et cousine. On les maria selon le bon vouloir de la doyenne de la famille qui décréta un jour :

-« Khirna ma irouh elghirna (notre bien n’ira pas chez les étrangers). Min el foum itih fil koum (ce qui tombe de la bouche ira dans la manche.) »

La vieille femme, en disant cela visait Zina qui avait acquis très tôt, la réputation de la meilleure tisseuse de laine de toute la région. Brahim avait bien de la chance, c’était ce que pensait tout le monde en apprenant la nouvelle, il allait avoir la vie rêvée : Zina tisse et lui vend. Aussi, fit-il, le soir même des noces, un pacte avec sa jeune épouse :

-« Travaille, O Zina, fille de mon oncle ! Le jour de ta mort, je creuserai ta tombe avec une pioche en or. »

-« Je te remercie, O Brahim, fils de mon oncle. Tu le promets donc tu le feras ! Il sera fait ainsi. »

Zina se met à l’ouvrage dès le lendemain et depuis, travailla sans relâche. Les ouvrages qu’elle tissait, étaient inégalables en beauté et en finesse. On venait de tous les pays pour les acheter. Zina travaillait et Brahim amassait l’argent.

Elle se levait tôt et se couchait tard, juste le temps de sombrer dans un court sommeil qui la surprenait toujours devant le métier à tisser. D’ailleurs pour ne pas perdre de temps, Zina avait dressé sa couche juste au pied de l’imposant cadre, tout le temps chargé d’un lourd ouvrage de laine : tapis, haik, hambel, burnous ou autre objet de la même consistance.

Dès l’appel du muezzin, Zina, après avoir terminé les tâches ménagères, se livrait à une série d’activités à la chaîne : elle lavait et rinçait la laine, retirait les écheveaux qui avaient trempé dans la teinture, puis se mettait à cadrer la laine avant de la filer pour en faire de grosses bobines pour consacrer le reste du temps, au tissage.

Brahim, lui se levait tard et  se plaignait de la fatigue. Il se lavait et se peignait avec soin, prenait son café et avant de quitter la maison, chargé du dernier ouvrage tissé, il faisait à son épouse la même promesse pour l’encourager :

-« Travaille, travaille, O fille de mon oncle, le jour de ta mort, je creuserais ta tombe avec une pioche en or. »

-« Merci, O fils de mon oncle, lui  répondait Zina, sans s’arrêter de travailler. »

Zina n’avait pas un moment à elle, pas même un instant pour s’occuper de sa petite personne. C’était un vrai souillon qui, pour ne pas avoir à se gratter la tête quand les poux la chatouillaient, plaçait sous le foulard deux morceaux de viande qui devait distraire les maudites bêtes si nombreuses dans son abondante chevelure.

Un jour, alors qu’elle était occupée à teindre les écheveaux de laine dans de gros chaudrons, elle n’entendit pas frapper à la porte laissée ouverte par Brahim. Elle n’entendit pas non plus la voix qui l’interpellait en disant :

-« O habitants de cette maison, êtes-vous là ? C’est Hadja Khadra, votre voisine ! »

La vieille femme attendit un moment et comme aucune réponse ne vint l’encourager, s’aventura dans la zkifa* et se retrouva dans la cour où un spectacle peu commun la figea sur place :

-« Que ta matinée soit pleine de bien ! dit la hadja. »

-« Que la tienne le soit aussi, répondit Zina, sans lever la tête. »

-« Je suis ta voisine d’en face, je suis venue te saluer, ajouta la vieille femme. »

-« Soit la bienvenue, lui dit Zina, mais ne compte pas sur moi pour te tenir compagnie car je ne peux pas perdre mon temps. J’ai un ouvrage à terminer avant le retour de mon mari. »

Intriguée par le spectacle, la hadja, qui n’avait jamais vu une femme aussi active, sera encore plus surprise lorsque Brahim revint à  la maison, enroulé dans son confortable burnous tissé des mains de Zina. En passant devant sa femme, Brahim ne manqua pas de lui répéter sa promesse :

-« Travaille, travaille, O fille de mon oncle, le jour de ta mort, le jour de ta mort je creuserai ta tombe avec une pioche en or. »

-« Merci, O fils de mon oncle, je sais que tu le feras, lui répondit machinalement  Zina qui redoublait d’efforts. » … A SUIVRE

 

zkifa*: couloir, entrée 

Source:  Contes du terroir algérien – Editions Dalimen 

Illustration: Tisseuse et métier à tisser https://journals.openedition.org/tc/docannexe/image/4994/img-2.jpg 

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