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Cela s’est passé un 7 juin 1936, Premier Congrès musulman à Alger

ibnDe ce premier Congrès musulman algérien réunissant toutes les tendances du mouvement national, à l’exception des représentants de l’Étoile nord-africaine, découlera sur une série de revendications ou ce qu’on nomme la Charte revendicative du peuple algérien musulman.

 

Le Congrès se réuni au cinéma Majestic (actuel Atlas), à Alger, le 7 juin 1936. Sont présents des délégués des quatre coins du pays, désignés par les comités locaux créés dans toutes les régions. Ces derniers ont désigné des élus, des notables, des oulamas et des communistes pour les représenter.

Un grand espoir s’est levé dans le pays, on va faire entendre la voix du peuple algérien. A la tribune du Congrès, figurent les personnalités les plus en vue de la politique algérienne. Parmi les orateurs, on distingue d’une part des partisans du Front populaire, communistes et socialistes et, d’autre part, des représentants de la Fédération des Elus et des Oulamas. La liste des intervenants a été fixée au cours d’une réunion préparatoire, de ce fait le Congrès ne sera pas une réunion contradictoire.

L’instituteur socialiste, Benhadj, expose les conclusions arrêtées par la commission économique sociale et politique du comité populaire d’Alger, au sein duquel figurent de nombreux conseillers municipaux. Ce comité, nous dit Mahfoud Kaddache, demande la restitution des terres habous, la mise du budget algérien à la disposition de tous les habitants, la suppression de l’enseignement spécial pour les Indigènes, la liberté de l’enseignement de l’arabe et l’application de toutes les lois sociales. La représentation des Indigènes au Parlement occupe la première place dans les revendications politiques de ce comité.

Certains intervenants mettent l’accent sur la nécessité de poursuivre la lutte pour une amnistie générale en faveur de tous les emprisonnés politiques, pendant que d’autres mettront en avant les revendications sociales, l’abrogation du Code de l’indigénat et du décret Régnier… Pour beaucoup ; l’union avec le peuple français, voire l’assimilation, est revendiquée et le slogan «Pain, Paix, Liberté» reconnu et repris.

Du côté des Oulamas, Ben Badis, entre autres, parle d’assimilation : « On nous traite de destouriens, de wahabites alors que nous sommes et ne voulons être que des Français musulmans ».

Le Congrès vote plusieurs motions, à commencer par « la seule politique musulmane en Algérie consiste dans l’octroi de tous les droits de cité aux Algériens musulmans avec la conservation de leur statut personnel », optant pour la représentation parlementaire unique, avec collège électoral universel commun et maintien du statut personnel.

Le programme adopté par le Congrès musulman est inscrit dans la Charte revendicative du peuple algérien musulman.

Le texte est libellé ainsi : « Basé sur une large documentation, documentation puisée aux sources les plus sérieuses ; étudié et adopté dans ses parties par les couches les plus profondes de la population, le présent cahier est désormais la Charte revendicative du peuple algérien musulman.

1) La suppression de toutes les lois d’exception.

2) Le rattachement pur et simple à la France, avec suppression des rouages spéciaux : Délégations financières, communes mixtes, gouvernement général.

3) Le maintien du statut personnel : avec réorganisation de l’Administration judiciaire musulmane dans un sens rationnel et plus conforme à l’esprit du droit musulman (Codification de ce droit…).

La séparation de l’Eglise et de l’Etat : application de toutes les lois éditées en vertu de ce principe.

La restitution immédiate de tous les édifices religieux à la communauté musulmane, qui pourra en jouir et en disposer par l’organe d’associations culturelles régulièrement constituées.

L’entretien des édifices religieux et de leurs desservants sur les revenus des bien habous.

L’abrogation de toutes les dispositions d’exception concernant la langue arabe et tendant à la classer comme langue étrangère.

La liberté d’enseignement pour la langue arabe, et d’expression pour la presse arabe.

4) Revendications d’ordre social : l’instruction obligatoire pour tous les enfants des deux sexes ; la mise immédiate en chantier d’un vaste programme de constructions scolaires.

La fusion des deux enseignements : des Européens et des Indigènes.

Le développement des œuvres d’assistance : hopitaux, infirmerie, infirmières visiteuses (réorganisation du système actuel), fourneaux économiques.

La création de caisses de chômage pour tous les chômeurs.

5) Revendications d’ordre économique :

A travail égal, salaire égal.

A mérite égal, grade égal.

Répartition de l’aide qu’apporte le budget algérien à l’agriculture, au commerce, à l’industrie et à l’artisanat, proportionnellement aux besoins et sans distinction d’origine.

Création de coopératives agricoles et de centres d’éducation pour fellah.

Arrêt des saisies.

Répartition des grands domaines inexploités entre les petits fellahs et les ouvriers agricoles.

Suppression du code forestier.

6) Revendications d’ordre politique : amnistie de tous les délits politiques ; collèges électoral commun pour toues les élections ; éligibilité pour tous les électeurs ; suffrage universel ; représentation au Parlement. »

Cette  charte,  qu’une  délégation  ira  remettre  le 22 juillet  1936  au  Gouvernement  à  Paris,  «représente,  comme  le  note judicieusement  Ch.-R. Ageron, une juxtaposition plus qu’un compromis entre  les  revendications  nationalistes  et  religieuses  des  oulémas  et  les vœux des élus, avant tout soucieux d’obtenir pour les musulmans les droits  du  citoyen». Elle va constituer dès lors, l’un des plus importants documents  marquant  l’évolution  politique  des  élites  Algériennes; «jamais encore l’Algérie musulmane n’avait formulé aussi nettement ses volontés,  encore  que  celles-ci  fussent  assez contradictoires puisque s’y mêlaient  des revendications  égalitaires  et  nationalitaires.»

Synthèse K.T.

Sources :

  1. Mahfoud Kaddache : « Histoire du nationalisme algérien. Tome I. 1919-1939). EDIF 2000 et Paris Méditerranée, 2003.
  2. Charles-Robert Ageron : « Histoire de l’Algérie contemporaine 1871-1954 », Paris, PUF, 1979.

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