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Cela s’est passé un 16 décembre 1946 … Décès du cheikh Aissa El Djermouni.

AissaStar des années 1920 et 1930 de la chanson « Riffi », il est le premier algérien à se produire à l’Olympia de Paris. Sa voix, à la fois puissante et émouvante, portait sur plusieurs kilomètres.

Aissa el Djermouni el Harkati, de son vrai nom Aïssa Benrabah Merzougui, est né en 1885 à Sidi Reghis, précisément dans la Mechta Ali Ouidir de Oum El Baouaghi, distante de 26 km de la capitale des Harakta, Ain-Beida. Il est issu d’une famille de paysans sans terre, appartenant à la tribu des Ouled Amara (Djeramna). Durant sa jeunesse, il a connu la misère, la guerre et l’oppression. Il commence très tôt à travailler la terre en compagnie de son père chez les colons de la région. C’est en gardant le troupeau qu’il apprend à chanter et à faire face à la solitude.

Vers l’âge de 6 ans, Aissa quitte avec ses parents, sa mechta, pour aller s’installer à Bir Smail dans la commune de M’toussa, toujours dans sa tribu des Ouled Amara. Son frère ainé, Rabah, né juste après le décès de leur père et dont il porte le prénom, fredonne déjà la chanson Chaouie en gardant leur troupeau, ce qui inspire le jeune Aissa et l’engage à en faire autant pour surpasser son frère, surtout avec sa voie juvénile mais très juste. Etant analphabète, il chante tout ce qu’il ressent sans composition, et, plus tard, il sera aidé en cela par certains poètes tels que Boufrira et Cheikh Mekki Boukrissa. Hadj Djebari lui écrira aussi des chansons nationalistes dans le genre Batna ya Batna et d’autres.

A 16 ans il est déjà connu de tous les campagnards de la région, avec l’un de ses cousins qui devient son flûtiste de toujours, Hadj Mohamed Ben Zine Tir, un virtuose. Tous deux n’ont jamais fréquenté l’école, à part quelques sourates apprises à l’école coranique de la mechta. En 1901 ou 1902, ils habitent avec leurs familles à Ain-Beida, à la cité Murienne, l’actuelle cité Chékaoui, rue A. Ben Badis, à proximité des docks silos. C’est ainsi que ce duo commence  à se produire dans des mariages, puis sur les terrasses de cafés, au grand enchantement du public. Les invitations vers d’autres horizons commencent rapidement à pleuvoir et leur périple débute par des soirées à Annaba, Sétif, Guelma, Biskra…

Aissa el Djermouni ne chante qu’en présence des femmes parce que cela stimule les partenaires du Brah (l’argent offert au cours de la fête). En compagnie de sa troupe constituée donc de son cousin de Hadj Mohamed Benzine, Miloud Guerichi et Mohamed Benderradji (Berah), il commence à chanter vers 1910 et sillonne l’Algérie et le Maghreb. A Tunis il enregistre deux disques dont « ya Hadda Khouiti ma t’gouliche ikhaf » » un 78 tours édité chez Ben Baroud en 1930, qui fait l’apologie d’un certain Ben Zelmat, rebelle notoire retranché dans les montagnes de l’Aurès pour faire le justicier » rejetant toutes les lois du colonisateur surtout l’impôt et le service militaire « .

Et à Paris, guidé par José Haroun, il enregistre des dizaines de disques. Ses premiers enregistrements datent de 1930. Son premier succès sort en 1933. Il sera suivi en 1938 d’une série de 10 disques.

On retrouve entre autre « El Fouchi Nou Mesmar », « Akred Anouguir », « Bougeons », ou encore  « wach talaou fel aguba »…

Une trentaine d’enregistrements en tout, une centaine d’œuvres, des dizaines de représentations publiques, une vie intense vouée au chant, à la défense des valeurs essentielles d’une communauté rurale brisée par la colonisation, à la recherche d’une renaissance. La voix inimitable de Aissa el Djermouni porterait, selon certains, sur six kilomètres. Elle est un long cri de douleur, une émouvante complainte où se mêlent la révolte et l’humilité, la grandeur d’âme et la bravoure.

Star des années 1920 et 1930 de la chanson « Riffi », Aissa El Djarmouni a été le premier algérien, et sans doute le premier arabe, à se produire dans la célèbre salle de l’Olympia, en 1937, à Paris.

De constitution physique moyenne et d’une petite taille, frappé de typhus à Guelma en 1945, il sera transporté à l’hôpital de Constantine où il mourra le 16 décembre 1946. Il sera enterré à Aïn Beida où il a passé la majeure partie de sa vie artistique. Il laissa quatre filles dont l’une a chanté, au début des années 80, pour la télévision les chansons de son père.

Le jour de la mort de Aissa El Djermouni, tous les commerçants de sa ville ont baissé leurs rideaux et Hadj Mohamed Ben Zine a brisé sa flute et a juré de ne plus jouer. Un an plus tard, il partira à la Mecque pour ratifier sa promesse avant de rejoindre son ami quelques années plus tard.

Aissa El Djermouni sera ressuscité en 1992, grâce à la sortie d’une série de cassettes, en plusieurs volumes, constituée d’une grande partie de son riche patrimoine menacé de disparition.

Synthèse : K.T.

Sources :

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