Le 24 décembre 1999, la Côte d’Ivoire vit un coup d’Etat militaire, orchestré par le général limogé Robert Guei, mettant ainsi fin au régime du président Henri Konan Bédié. Le climat d’instabilité politique du pays se confirme, entre conflit racial et ingérence étrangère.
Conflit ethno-religieux, « Ivoirité » et Françafrique
Le président renversé, Henri Konan Bédié, le deuxième de la Côte d’Ivoire indépendante, qui à l’instar de son prédécesseur Houphouët-Boigny, est un catholique de l’ethnie baoulé. Son principal opposant, Alassane Ouattara, un musulman du nord conteste le concept d’ivoirité¤, instauré par ce dernier et qui consiste à écarter les candidats qui ne sont pas de père et mère ivoirienne; ce qui le cas de Ouattara. Ce conflit ethno-religieux est au cœur des revendications des putschistes.
Le journaliste ivoirien Joachim Beugré, auteur du livre « Côte d’Ivoire : un coup d’état de 1999 » estime que Ouattara est un catalyseur mais non instigateur du putsch, et cite en plus du véritable initiateur du coup d’Etat, le général Robert Gueï, le sergent Ibrahim Coulibaly et le sergent Souleymane Diarrassouba : «[ ] leur mobile était la crise identitaire. Ils étaient tous des sous-officiers de la même ethnie du nord de la Côte d’Ivoire. Ils estimaient que leur communauté ethnique et religieuse était brimée par le régime d’Henri Konan Bédié. Ils constataient que Bédié, avec son concept d’ivoirité, divisait plus qu’il ne bâtissait une nation et ils ont alors décidé de le renverser pour installer des hommes qui seraient plus soucieux de bâtir une véritable nation et d’instaurer la démocratie. »
Le coup d’Etat s’est effectué dans le calme et la maîtrise, mais le climat de crise s’accentue en 2000, et ce malgré la mise en place d’un gouvernement de transition. Les élections présidentielles qui ont suivi, se soldent par la victoire du socialiste Laurent Gbagbo. Une vague de contestation des partisans d’Ouattara, réunis sous le nom : « Les Forces nouvelles de Cote d’Ivoire », plonge le pays dans une sombre et violente période, accentuée par la politique françafricaine¤.
En effet, les politiques néocoloniales des présidents français De Gaulle, et François Mitterrand proches des présidents de la Cote d’Ivoire, Félix Houphouët Boigny, puis de Henri Konan Bédié, permet une ingérence de la France, dans les affaires internes du pays. C’est à ce titre, que la France s’assure de placer ses agents, afin de préserver ses intérêts dans le pays; l’enjeu majeur étant la production du cacao. Ainsi, la présence de l’armée française en Côte d’Ivoire, conformément aux accords de défense qui lient les deux pays depuis l’indépendance du pays en 1960, génère des hostilités inouïes, rendant ainsi, la situation inextricable et annonce les prémices d’une guerre civile qui fait plus de 300 morts.
Leila Assas
¤ « L’ivoirité est un concept visant à définir la nationalité ivoirienne dans un processus de démocratisation et d’unification nationale. Il s’appuie sur des notions culturelles et vise à promouvoir les cultures et productions nationales. Le concept d’ivoirité est apparu en 1945 à Dakar, avec des étudiants ivoiriens. Il réapparaît avec Henri Konan Bédié en 1994 dans un contexte de crise économique. L’ivoirité se manifeste par des appels à l’élan national via des spots publicitaires (radio, affichage public, télévision et journaux de presse) avec un slogan simple : « Consommons ivoirien » le message se veut clair et simple. »
¤ La Françafrique est une expression souvent employée de manière négative, pour désigner l’ingérence directe de la France dans les affaires internes et économiques, de ses anciennes colonies dans l’Afrique de l’Ouest, en Afrique centrale, de l’Océan Indien et la Corne d’Afrique.
Sources
- Propos recueillis par Edwige Hardmong, à Abidjan
Côte d’Ivoire : coup d’État de 1999. La vérité enfin, Joachim Beugré, les Éditions du Cerap, Abidjan 2011, 220 pages. - Revue SILANCE N°335, mai 2006
- Gérard Claude, Chirac « l’Africain »Dix ans de politique africaine de la France, 1996-2006, Institut français des relations internationales (IFRI), 2007
- Photographie :Issakia Ouattara dit Wattao, l’un des commandants des FRCI, les forces pro-Ouattara. Un homme clé dans la recomposition de l’armée ivoirienne. © REUTERS/Luc Gnago