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Assefel, le rituel matrilinéaire prénuptial des ksours du Gourara – Suite et fin

assLes rituels populaires du mariage dans l’Histoire de l’humanité, figurent parmi les marqueurs du passage des peuples primitifs, aux consortiums organisés. La notion du «Totem» et du «Tabou» figuraient déjà, selon Freud , chez  les premiers peuplements, et marquaient l’union et la procréation; dont les « célébrations » se développèrent par la suite, pour aboutir  à un ensemble de rites codifiés qui se perpétuent encore de nos jours.

 

Symboles et représentations

Il faut se représenter Assfel comme un acte solennel, qui se réalise la nuit et s’ouvre par la mise en place du tassiht*, mot en amazigh pour désigner la pierre à moudre, et qui constitue la pièce maitresse de ce rituel. Installée au centre, une doyenne du ksar entreprend de moudre le blé : symbole de vie et de fécondité; une semence sacré pour les sociétés agraires, qui place la culture céréalière au cœur de l’imaginaire du continent africain en général, et lybico-berbère en particulier. Notons, que les femmes roulent ensemble le couscous, un mets de circonstances, et de prédilection dans la région.  

 Taslit*, la fiancé  n’assiste pas à l’Assfel, mais ne se trouve jamais loin. La pudeur lui impose de rester à l’abri du regards des femmes mariées. Le droit d’ainesse n’est pas exclusivement lié à l’âge mais au statut de chacune au sein de la société, il est acquis lors du passage de la jeune femme au statut de mariée.

Les femmes, disposées en cercle, autour de tassiht, entonnent  des chants d’izlwen, le cercle se resserre, la cadence se fait plus rythmée. Bien que n’ayant que quelques notions  rudimentaires en Zénète, je parviens à déchiffrer des mots tels que «adourigh ayoulionou » (mon cœur ), «tahbibt » (ma bien aimée)…Ainsi, les thèmes liés à la rencontre amoureuse près de la source d’eau sont  fréquents. On se demande si on peut y voir une correspondance  avec la légende marocaine d’un amour impossible de « Tislit et Isli», ou encore une allégorie au mythe pan-berbère de «Tislit n’Anzar ».

Par ailleurs, cette cérémonie est strictement interdite aux azara (célibataires). Les trois jours des noces se déroulent sans que les «n’saween » ( femmes) ne côtoient les « t’fakhaten » (jeunes filles ). Ces dernières  pourront prendre part à une autre étape du mariage, celle du Ezhou, qui verra s’installer un autre registre musical; moins soutenu, plus saccadé, et bercé par les rythmes des instruments de percussion locaux tels que : derbouka et târa, qui accompagnent le vacarme de la joyeuse procession  pour escorter la future mariée à la demeure de son époux. La coutume  veut qu’on finisse par se rendre  au  mausolée du saint patron du ksar, pour bénir l’union.

Il est à noter que le cortège tel qu’il est observé chez différentes sociétés, obéit aux même mécanismes. « Au niveau sociologique il est certain que le tapage au cours du cortège, a une fonction de publicité […] il faut que la communauté locale tout entière soit avertie de cette nouvelle union; c’est pourquoi le cortège de noces parcourt bruyamment le territoire afin d’en avertir les autres  membres de la communauté de cet événement » souligne  l’anthropologue Nicole Belmont.

Bien que certains rites tendent à disparaitre dans les oasis du Gourara, comme c’est le cas pour l’oasis cosmopolite de Timimoun, ils demeurent  encore vivaces dans des ksours  enclavés et conservateurs.

Leila A.         

 

  tassiht*, se prononce tissiht dans d’autres régions amazigh

  Taslit* : la fiancé, se prononce tislit dans d’autres régions amazigh

« Tislit et Isli», une légende marocaine

«  Tislit n’Anzar » (la fiancé d‘Anzar), voir : https://www.babzman.com/tislit-n-anzar-la-fiancee-danzar-ou-le-rituel-de-la-pluie-en-afrique-du-nord-premiere-partie/

 Sources :

  1. Belmont Nicole. La fonction symbolique du cortège dans les rituels populaires du mariage. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 33ᵉ année, N. 3, 1978. pp. 650-655;
  2. Marion JACQUET, Les symboles de l’engagement dans les rites nuptiaux, de l’Antiquité à nos jours par Marion JACQUET sous la direction de M. Christophe COUPRY, colloque !
  3. Peyron, S. Chaker et T. Oudjedi, « Izli », in 25 | Iseqqemâren – Juba, Aix-en-Provence, Edisud (« Volumes », no 25) , 2003 [En ligne], mis en ligne le 01 juin 2011, consulté le 07 avril 2015. URL : https://  encyclopedieberbere.revues.org/1459
  4. MARTINE SEGALEN,  Rites et  rituels  contemporains, Armand  Colin, 2009(2° éd.),  25.
  5. Sigmund Freud, Totem et tabou – interprétation par la psychanalyse de la vie sociale des peuples primitifs , Ed. Payot, Paris 1976

Images : Femmes du Gourara » de Françoise Saur, éditions Médiapop, 2014

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